J'étais là, devant cette porte désespérément close, depuis de longues minutes déjà. Les bras pendants le long de mon corps, je fixais la sonnette, dans l'attente que ma main ne se soulève afin de sonner. Je ne parvenais pas à faire ce mouvement pourtant si simple, peut-être par peur de découvrir la personne qui deviendrait mon colocataire. Et si je ne l'appréciais pas ? Et s'il me détestait ? Je secouai la tête en ronchonnant ; il n'y avait aucune raison pour que ça n'aille pas.

Décidé, j'appuyai sur la sonnette et attendis que mon colocataire ne vienne m'ouvrir, mais à force d'attendre, je remarquai que la porte était entrebâillée. Je ne l'avais pas vu avant, trop concentré par mes idées ! Quel crétin, je n'étais même pas capable de voir une porte ouverte en face de mon nez !

Un soupir franchit la barrière de mes lèvres alors que je poussai la porte, entrant dans un univers totalement inconnu en traînant ma grosse valise derrière moi. Véritable jungle serait un terme plus approprié, d'ailleurs. Il n'y avait pas un objet rangé, des choses que je ne désirais pas identifier traînaient sur le sol, abandonnés par leur propriétaire et, en levant les yeux, j'aperçus des posters de femmes nues collés au mur.

« Où j'suis tombé, sérieux... ? On se croirait dans la chambre d'un ado de seize ans. »

Plus j'avançais dans l'appartement, plus je tombais sur des piles de bordel. Mes mains me démangeaient. J'avais l'impérieux désir de ranger, de faire briller. Je n'étais pas spécialement maniaque mais le chef cuisinier qui sommeillait en moi ne supportait pas de devoir entrer dans un univers désordonné et sale. À la limite, je supportais les posters, mais le bordel.... c'était une autre histoire.

Je finis par débusquer la cuisine et, après avoir laissé ma valise dans un couloir, je m'étais décidé à faire le tour des lieux. Je trouvai par la même occasion mon colocataire que je pouvais observer de dos à ma guise. Je remarquai tout de suite qu'il était bien plus grand que moi, peut-être dix ou vingt centimètres  et également plus large d'épaules. Ses cheveux étaient courts et d'une teinte abyssale surprenante, rejetés vers l'arrière. Je ne pouvais pas voir son visage, mais la chemise qu'il portait ne cachait pas les muscles qui devaient rouler sous le tissu à chacun de ses mouvements. Il possédait une allure digne d'un fauve et j'espérais un instant que son visage ne gâche pas l'harmonie et la puissance qui émanaient de son corps.

« Bonjour ? Je me suis permis d'entrer puisque c'était ouvert. Je suis votre nouveau colocataire, Hayden Hunter. »

Je m'avançai dans son dos en humant l'air, remarquant sans difficultés qu'il n'était pas un simple humain. Comment un humain aurait-il pu posséder ne serait-ce la moitié de l'aura animale qui entourait cet homme ? Mais la bête qu'il incarnait me laissait silencieux ; je ne parvenais pas à mettre un mot sur lui. J'étais tout de même persuadé qu'il s'agissait d'un animal aquatique ou d'un crocodile au vu de la légère odeur saline qui se dégageait de lui. À moins qu'il ne s'agisse de sa transpiration. Erk.

Je restais à une certaine distance de lui, les bras croisés sur mon torse. Toute ma crainte à propos du caractère de mon colocataire s'était enfuie, terrassée par l'état de mon prochain habitat... Mais, curieux, je finis par venir voir ce qu'il cuisinait, ne pouvant m'empêcher de détailler des yeux l'endroit que j'utiliserais sûrement le plus de cette maison.

« Je tombe pile au bon moment pour le repas ? C'est trop gentil. »

Un sourire joyeux étira mes lèvres tandis que mon ventre émettait un léger grognement. Ma voix sonnait taquine ; je voulais bien m'entendre avec mon colocataire. J'allais vivre avec lui et je voulais vraiment qu'on ne vive pas chacun dans un coin, délimité par des lignes de papier adhésif.